Quand les directions d’entreprises emploient le mot « collaborateur » à la place de « salarié », ce n’est ni un effet de style, ni un vocabulaire plus riche, ni du Shakespeare dans le texte.
Mais ce terme acte une réalité bien moins flatteuse: celle d’un rapport de force toujours inégal entre ceux qui vendent leur travail, et ceux qui l’achètent.
Et quand le patronat explique que nous sommes tous des « collaborateurs », il ne fait aucunement preuve de générosité, il joue simplement sur les mots pour camoufler les maux, en tentant de désamorcer l’idée même de lutte collective.
En remplaçant « salarié », par « collaborateur », la subordination devient « coopération »
Ce mot, qui a pourtant une connotation très marquée dans l’histoire de France, semble inoffensif aujourd’hui, presque flatteur car il évoque un partenariat, une mise en commun des forces et des intérêts.
Mais sous cette apparente bienveillance se cache une réalité bien plus sombre.
En remplaçant « salarié », qui renvoie à une relation juridique claire, par « collaborateur », le patronat redessine les frontières. Il ne s’agit plus de garantir des droits en contrepartie du travail fourni, mais de célébrer une adhésion presque spirituelle à l’entreprise.
Alors qu’être salarié engendre un lien de SUBORDINATION, être « collaborateur » suppose une COOPERATION, et les revendications collectives se transforment alors en de simples aspirations individuelles.
Se réapproprier les mots pour mieux lutter et s’émanciper
Puisque les mots ont un sens, il est temps pour les syndicats de se réapproprier le vocabulaire.
Oui, nous sommes des salariés, et c’est précisément cette subordination juridique qui garantit nos droits. En insistant sur cette réalité, cela démontre que la lutte collective reste le meilleur outil pour défendre ces droits face à un patronat qui cherche à les éroder.
Mais il ne s’agit pas seulement de dénoncer : il faut aussi convaincre.
Et quand les mots ne suffisent plus, l’action s’impose
Le combat contre cette novlangue n’est pas qu’une question de style.
Il s’agit bien d’un enjeu de fond, d’une lutte pour préserver les droits des salariés et leur capacité à s’organiser.
Face à un patronat qui manie les mots comme des armes, les syndicats doivent utiliser un vocabulaire clair, précis, et porteur de sens. Et quand le dialogue ne suffit plus, c’est l’action qui s’impose, et sous différentes formes pour impliquer un maximum de salariés.
Salariés ou travailleurs ?
La CGT utilise aussi le terme « travailleurs » pour inclure toutes celles et ceux qui participent à la création de richesses (salariés, précaires, intérimaires, indépendants ou chômeurs) pour dépasser les clivages de statuts et renforcer la solidarité face aux divisions souvent imposées par le patronat.
Dans un contexte où le travail se transforme (ubérisation, précarité), « travailleurs » reflète une vision plus inclusive et unitaire. Il rappelle que, malgré nos différences, nous partageons des intérêts communs face aux défis du monde du travail.